Carnaval 2022 : « Nou pè leta » de 45 Soldiers, un texte qui interpelle

Carnaval 2022 : « Nou pè leta » de 45 Soldiers, un texte qui interpelle

Ils attendaient, impatients, guettant le moindre post sur les réseaux sociaux, la moindre interview et le 14 février, comme un symbole, les soldats de la rue Pétion de la ville de Jacmel ont lâché la bombe titrée « Nou pè leta ». Comme un soulagement, les fans d’Haïti et de l’extérieur manifestent avec fierté leur satisfaction. Ils n´ont pas été déçus par leur groupe , disent-ils, vu l´intérêt affiché par l´autre camp pour les descendre de leur piédestal au moindre faux pas. Suivez mon regard.

Dans “Nou pè Leta”, dès les premières notes, le ton est donné, le panorama socio-politique est planté et mis à nu. Le texte est criant et criard, acide envers tous les politiciens, gouvernants et autres autorités qui n´ont pas pu éviter le pays de plonger dans l´abîme. Cette méringue est un cri, un « rèl » pour que l´Haïtien puisse essayer de retrouver cette capacité de choisir le meilleur pour la collectivité.

Ce texte interpelle, sort de l’ordinaire et décrit sans fard la réalité du pays, ces dérives qui minent son existence, la méchanceté de nos dirigeants, les mauvais choix que font les Haïtiens à chaque élection, entre autres.
MIC dans une de ses harangues est intraitable et dénonce une société haïtienne lamentable où règnent le népotisme, la haine, l’égoïsme et fustige une nation où les vraies valeurs sont rejetées au profit d´une frange de « sousè » et d´opportunistes.

Yon leta pati pri
Yon leta ti zanmi
Kap kraze peyi a
Madanm pitit ap viv Etazini
Sonw pakèt nèg nou chwazi ki pou ta defann nou
Men yo pito plen pòch yo aprè pou yo vin tyeke fanm nou
Yo youn pap jwe wòl yo
Apre n fin pran nan pawòl yo

Au début de la méringue, 45 Soldiers dénonce le laxisme des politiciens traditionnels, impassibles, animés seulement par la soif du pouvoir et l’ amour de l´argent. Le sort du peuple : le dernier de leurs soucis.

Se moun nou fè konfyans yo ki toujou trayi nou
Se moun nou vote bay pouvwa yo´k toujou vann patri nou
Depi lajan yo bèl
Ki mele y´ak lavi nou
Ala ti pèp pa gen chans li paka fè leta konfyans

Cette chanson sort à une époque où tout le pays souffre du syndrome de la peur et d´une perte de confiance totale en des dirigeants déshumanisés, se servant du peuple des bidonvilles, démuni de tout et vivant dans la crasse, pour asseoir leur pouvoir en les armant. Aujourd´hui ces armes se retournent contre eux et le peuple. Chaos, trouble, confusion : notre quotidien.

Tout moun pè moun, se lèw rantre ou pran on souf.
Nou pè leta, ayisyen n pè leta
Se yo k ame geto a, ba yo bereta
Nan enterè poch yo divize n
Fè nou pè pou dirije
Kreye twoub met peyi n anreta

Le texte est d’une grande portée philosophique et sociologique, et présente de façon métaphorique le cas d’Haïti, un pays qui végète, qui se meurt à petit feu, livré aux mains de gros ignares et d´incompétents de tous poils.

Nou pè leta ayisyen n pè leta
Malgre n fè dechoukay, malgre n bay koudeta
N toujou pran nan machokèt, yon pakèt machann bolèt
Nèg yo still ap piye fè dega

FOFA interroge le passé pour essayer de comprendre pourquoi ça ne marche pas chez nous, pourquoi ça coince autant, pourquoi cet avenir radieux dont rêve tout un peuple a tourné au cauchemar. Pourquoi faire choix de gens qui n´ont aucune vision de l´État, aucune connaissance des affaires publiques pour leur remettre les rênes de la nation ? Pourquoi les écouter blabater dans le but de se faire élire alors que depuis des lustres ils contribuent à notre perte ?

Chak palmantè nou vote nou konnenl vwe a lechèk
Nan peyi sa n pa wè avni

Ce manque de confiance nous pousse à réfuter toute décision, toute directive d´un État décrié, discrédité par ses impairs, ses balourdises et ses maladresses. L’insécurité généralisée, les enlèvements, les séquestrations, la prolifération de gangs, le banditisme, les problèmes économiques, comme la cherté de la vie, l’insécurité alimentaire, le chômage, la pauvreté, la violence entre autres maux constituent les principales préoccupations du groupe et de toute la population haïtienne. Et FOFA dénonce « san filtè » cette situation morbide et sordide dans lequel est empêtré le pays. Et ce refrain repris avec le souffle de Clerval, MIC, Dougé et F The Winner veut tout dire quant à ce dégoût et ce mépris affichés envers les classes dirigeantes par le gros de la population.

Lè leta di n fè a goch, n anvi fè a dwat
Lè yo di nou fè anwo n anvi fè anba
Yo bay bandi zam pou touye nou
Met a blan pou souse nou
N santi gon w plan pou yo detwi n
Yo kraze edikasyon nou
Bloke pwodiksyon nou

Dans cette méringue, FOFA s´auto-proclame « Kòmandan lari a » et nous fait revivre l´espace de 7 minutes et 13 secondes l´effroi de nos quotidiens, cette crainte envers l´autre, cette inquiétude pour l´avenir de nos enfants. FOFA a frappé un grand coup et Nou pè leta sera sans nul doute l´un des meilleurs textes carnavalesques de l´année 2022 et luttera pour le titre de meilleure méringue de l´année. Entre temps, les soldats se préparent pour le bitume pour plaire aux fans et mettre le feu sur le parcours en « Mèt beton ». Se nou k fè bagay isit, s´époumonent-ils à chanter. Sak pral gen la !
Bon carnaval à tous !

Jean Baptiste François

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